Zëro + The Healthy Boy & The badass motherfuckers

  • Post noise
  • Le Club
  • Production : TP

ZËRO (Lyon, FR.)

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut utiliser l’adjectif « séminal » sans se faire mettre en prison par la Guilde Des Snobs De La Critique Rock, car si il y a bien un groupe séminal dont les membres sont à l’origine de (toute) la scène noise en France, c’est bien Zëro, personne ne dira le contraire. L’histoire est belle mais nous n’avons pas assez de place pour vous la raconter, ce simple schéma parlera donc de lui-même : Deity Guns > Bästard > Zëro. Dans une autre vie (le début des années 90), les Deity Guns, aussi importants alors que l’était Sonic Youth aux USA, ébauchaient les plans d’une cité noise radieuse dans laquelle habiteront vite des groupes comme Sister Iodine, Condense, Ulan Bator, Portobello Bones ou Prohibition, tous à la recherche de l’émotion et de la beauté dans le chaos. Puis, sur les cendres de Deity Guns, c’est Bästard qui définira les nouvelles règles du jeu, qui correspondront au passage en douceur de la noise écorchée vive au post-rock vers la fin des 90’s. Là encore, Bästard règnera en maître absolu de la maîtrise tension / émotion, rarement égalée depuis. Zëro, né à la suite d’une reformation exceptionnelle du groupe pour les 20 ans du Confort Moderne condensera son propre héritage dans une poignée de disques depuis 2007, et des concerts qui, à l’instar de celui inoubliable de Bästard au Bateau Ivre en 96, ne cesseront de prouver qu’ils sont toujours les maîtres du jeu, depuis 25 ans maintenant, c’est à dire presque l’âge de leurs héritiers directs - on pense évidemment à Papier Tigre, Fordamage, Rien, Electric Electric ou Microfilm (entre autres). Et leur énorme 7 titres sorti au printemps, « Places Where We Go In Dreams », a mis encore une fois tout le monde d’accord : peu de disques vous collent au plafond de la sorte dès le premier titre (le déjà certifié gros tube « uprising »). Bref, entre Glenn Branca et Zëro ce mois ci, on va vraiment se faire retourner dans tous les sens, dans le « genre » (à vous de mettre une étiquette dessus).

Pour les fans Rodan, Bastro, Shellac, Sonic Youth, et de post-rock-noise au sens très large. (FL)  

 

THE HEALTHY BOY & THE BADAS MOTHER FUCKERS (Nantes/Lyon, FR.)

Ce qui est bien avec une présentation de The Healthy Boy, c’est que vous ne serez pas complètement en terrain inconnu : vous allez lire dans le texte qui suit beaucoup de noms que vous avez déjà lus dans les pages du fascicule du Temps Machine depuis l’ouverture (héhé) à commencer par son label, Kythibong, dont on a déjà reçu les 3/4 des groupes (Piano Chat, Papaye, Chausse Trappe, Binidu, Gratuit, Electric Electric, Fordamage, Mansfield TYA...). Son gentil patron avait beaucoup insisté pour que j’écoute Jusqu’à Ce Que Nous Soyons Repus et il avait eu raison. Loin, très loin du gros son dont le label nous nourrit les oreilles depuis 10 ans, ce disque de Healthy Boy, juste avec sa chaude voix et sa guitare acoustique, nous a littéralement chamboulés – et même si Benjamin Nerot a beaucoup écouté The Palace Brothers ou Gastr Del Sol dans sa jeunesse, son chant et ses chansons ne souffrent d’aucune référence marquée, ni directe. On a juste du mal à imaginer qu’il est nantais, ou alors c’est Nantes dans le Kentucky ou l’Oregon et on n’a rien compris. Sur cet album solo produit par Antoine Bellanger, son compère d’alors dans Belone Quartet (que vous connaissez aussi dans Gratuit, Mein Sohn Williams et Le Feu), Benjamin est accompagné sur trois titres par les membres de Zëro, qui deviendront l’année suivante les Badass Motherfuckers et intégreront à plein temps l’histoire de The Healthy Boy, aujourd’hui vrai groupe. Pour parler de The Carne Farce Camisole, l’album suivant, la presse a beaucoup évoqué Leonard Cohen, Nick Cave, Captain Beefheart ou Tom Waits (dans l’esprit c’est pas faux), rien d’anormal donc que Healty Boy reprenne des titres de Tom Waits en 2013, vous voyez peut-être déjà mieux dans quelles mers navigue le jeune homme. Un peu comme un Matt Elliott américain, en espérant que cette analogie un peu tirée par les cheveux vous donne envie de vous plonger dans ses magnifiques disques, tous écoutables sur son bandcamp. En tout cas, en ce qui me concerne, je n’avais pas entendu depuis longtemps un truc avec autant de classe, d’aplomb, d’épaisseur, de délicatesse et de puissance. Impressionnant.

Pour les fans de Matt Elliott, Tom Waits, Leonard Cohen, Nick Cave... (FL)  

Deity Guns / Bästard / Narcophony / Badass Motherfuckers ZëRO
Belone Quartet / Zëro / Kythibong / Tom Waits / Leonard Cohen THE HEALTHY BOY & THE BADASS MOTHERFUCKERS