Nisennenmondai + Moon Duo

  • NOISE POWER
  • Le Club
  • Production : TP

Chronique

Nisennenmondai, ou la crise d’épilepsie la plus longue du monde.

Jésus lève un tétraplégique par la seule force de sa parole, Nisennenmondai le fait danser sans un seul mot. Puissant.

Vendredi 3 Juin, à peine minuit. Les irréductibles du Temps Machine sortent prendre l’air, les oreilles encore fumantes et les corps soumis à des spasmes qui surgissent de loin en loin. Pas plus d’une soixantaine de personnes, autant dire que dalle. Le genre de scenario qui quintuple les chances de passer une mauvaise soirée. Pourtant, il s’est passé quelque chose d’absolument fou.

On nous avait promis un formidable trio d’un post-rockinstrumental et expérimental, progressif et psychédélique, une claque monumentale (ou pour citer Fred, une « calotte », expression que l’auteur de ces lignes ne trouve nulle part dans la longue et triste liste des citations depuis longtemps has been). Mais on était encore loin du compte. Nisennenmondai est un tsunami qui déferle sur chacun et l’emporte loin des sentiers battus, sur des territoires musicaux quasi - inconnus. Volontairement ou non, on finit par se désarticuler devant la scène, comme soumis à une loi physique de type « Le Temps Machine + trio de japonaises au nom de groupe imprononçable = onde de choc. » (Pourtant personne ne vend de pilules dans les toilettes.)

Partant d’un son des plus basiques (et pas toujours des plus audibles), le trio construit progressivement une mélodie puissante sur des morceaux interminables dont on aimerait qu’ils ne se finissent jamais.

Face au stoïcisme des membres, on en vient à penser que Nisennenmondai est un projet médical expérimental, dont nous sommes les cobayes. Leur seul but semble être de plonger l’Humain en transe. 

Le final quant à lui touche les sommets, le point G musical, et laisse le rôle principal à la batteuse, secouée de spasmes, en pleine lutte épique contre sa batterie. C’est si puissant et si fort que quand la guitariste remercie la salle dans un français approximatif, on se demande d’où sort cette petite voix si fluette. A n’en pas douter la petite sœur de Godzilla.

Point culminant qui ne sera cependant pas égalé par le rappel, moins agité que la précédente déferlante musicale et dont on ne se remettra pas de si tôt.

Vous pourrez regarder autant de vidéos Youtube que vous voudrez, et lire tout une série de chroniques sur Nisennenmondai, vous serez loin de compte. Parce que ça fait partie de ces musiques qui ne s’écoutent pas sur son ipod, bien au chaud sous la couette, qui ne se lisent pas sur internet un déca à la main, mais qui se vivent.

Jamais la formule « les absents ont toujours tort » ne s’est si bien appliquée qu’en ce 3 juin.

Gérard de Roubaix.

NISENNENMONDAI (Tokyo, JP.) 

Complètement abasourdis par les terribles événements qui se passent au Japon au moment où nous rédigeons ces lignes, nous profitons de cette présentation de Nisennenmondai pour exprimer notre inquiétude, nos pensées et notre soutien à tous les musiciens japonais qui nous rendent heureux depuis des années, comme Cornelius, Melt Banana, Boredoms, Boris, Shonen Knife, Pizzicato Five, Mono, Merzbow, Dj Krush, Otomo Yoshihide, Masonna, Ruins, Keiji Haino, Towa Tei, Ken Ishii, Kentaro, Susumu Yokota et on en oublie des dizaines. C’est souvent pour les extrêmes que l’on aime la musique qui nous provient du Japon. Et Nisennenmondai illustre parfaitement ce propos : plein de mots arrivent dans le désordre quand on pense à ces trois jeunes femmes explosives qui, pour résumer, ont pris la suite de CAN après le passage de Sonic Youth : free rock, rythmes binaires, drones, loops, noise, psychédélisme, transe totale et puissance de feu sur scène, là où la magie opère avec folie, quand leurs disques, enregistrés à la va vite, perdent en chemin cette transe qu’on ne peut vraiment ressentir qu’en les voyant «en vrai». Des montées sensuelles et bruitistes qui n’en finissent plus, des rythmes physiques qui appellent immanquablement à la danse, des mantras mélodiques et des titres de morceaux en forme de revendication d’une histoire qui nous parle : aimer Sonic Youth, This Heat ou The Pop Group, c’est aujourd’hui aimer aussi trois morceaux qu’on peut écouter sur un des disques des fabuleuses Nisennenmondai.  (FL) 

MOON DUO (San Francisco, USA) 

Dans le genre qu’on appellera simplement ici rock garage psychédélique, beaucoup se sont étouffés sous le poids d’illustres pionniers comme les Monks, The 13th Floor Elevators , les Seeds ou le Velvet Underground. Quand Suicide, en grand visionnaire, a actualisé le genre en le pervertissant de technologie, le «rock garage» est devenu mutant et des magiciens comme Bardo Pond, Spacemen 3, Loop ou Jesus & Mary Chain l’ont monté jusqu’à des cîmes jamais atteintes. Dur de passer après toute cette histoire... mais certains s’en sortent grâce à une singularité toute précieuse, comme Moon Duo, traditionaliste et réformateur à l’instar de Spectrum, Cheveu et Disappears, qui propose une autre manière de voir et d’écouter du rock, jouissive, hallucinée et extatique. Duo de San Francisco composé de Ripley Johnson des immenses Wooden Shjips (guitare / chant) et de sa compagne Sanae Yamada (clavier / boite à rythme), Moon Duo évoque les fantômes de Suicide, l’étrangeté de Silver Apples, les ambiances de Spectrum, le songwriting de génie de Franck Black et un solide background rock américain qui est, on ce que le groupe cherche à réinventer en l’étirant, en le provocant, en le malaxant dans la reverb et en le de poussières galactiques sorties de guitares en mille feuilles simplement phénoménales. Un vrai road trip d’amoureux dans l’espace. Juste (FL) 

Girl trio / Minimal Disco Noise / Groove / Explosion / Fureur / Zen NISENNENMONDAI
Wooden Shjips / San francisco / space road trip / psychedelic garage rock MOON DUO