Jaki Liebezeit & Burnt Friedman + Etienne Jaumet + Ninos Du Brasil

SUPER FLUX
  • ELECTRONIQUE VIVANTE
  • Le Club
  • Production : TP

JAKI LIEBEZEIT & BURNT FRIEDMAN (All.)

Bon... par où commencer ? Deux légendes vivantes ensemble et seulement une demi page pour en parler. Frustration. Commençons par Jaki Liebezeit, le batteur de CAN, même si j’ai l’impression que cette phrase pourrait suffire pour la grande majorité d’entre vous. Donc, pour ceux qui ne savent pas, CAN est un groupe allemand qui a révolutionné le rock entre 1968 et 1978 (et qu’on a dû rebaptiser krautrock faute de mieux, à cause d’eux en grande partie). Une révolution musicale qui, des expérimentations de studio à la liberté totale de jeu, a ouvert le champ des possibles et décloisonné les genres : jazz, musique concrète, funk, classique, rock psyché, impro, free, pop, « world », garage, musique ethnique, autant de terrains de jeu que le groupe n’a cessé de visiter sur sa magnifique discographie qui, aujourd’hui encore, continue d’être un phare pour tous les musiciens qui tentent des choses. Et le rôle de Jaki Liebezeit n’y est pas pour rien. A l’origine batteur de free-jazz, Liebezeit a été beaucoup évoqué comme « mi-homme / mi-machine », « motorik » ou « funky cérébral » au sein de CAN, ce qui en dit long sur cet immense musicien qui a toujours été chercher le groove là où personne n’était encore allé s’aventurer. Toujours à la recherche de ce graal du groove nouveau, il a multiplié les collaborations ces trente dernières années (Phantom Band, Drums Off Chaos, Club Off Chaos, Depeche Mode, Brian Eno) jusqu’à la série des « Secret Rythms » avec Burnt Friedman, lui aussi infatigable chercheur en polyrythmie groovante inconnue. Freidman, surtout connu grâce à Flanger, son duo jazz hi-tech avec Uwe Schmidt « Atom TM » chez Ninja Tune, est néanmoins lui aussi une figure majeure de la musique électronique de ces vingt dernières années. Mettant au service du jazz les techniques de studio du dub et de l’electronica, sa musique joue avec des polyrythmies complexes et mélange de façon magique des instruments type vibraphone, steeldrum ou kalimba à des synthés primitifs et de l’électronique ultra moderne. Impossible à décrire et pourtant reconnaissable entre mille, la patte de Burnt Friedman est d’une sensibilité folle, et les disques qu’il a faits avec Jaki Liebezeit sont d’une beauté fracassante – et d’un groove unique, vous l’aurez compris.
Cette date unique en France est un véritable cadeau.  (FL)


ETIENNE JAUMET (FR.)

Etienne Jaumet fait partie de nos musiciens chouchous et en plus il représente (lui aussi) l’idée que nous nous faisons de Super Flux, à savoir un mélange de musiques singulières, chercheuses et libres, et de musiciens dont les travaux et les parcours incitent à la curiosité et à la découverte. En ce sens, le travail d’Etienne Jaumet, à l’instar des connexions de Ninos Du Brasil avec l’art contemporain ou la musique expérimentale, est un livre ouvert sur de merveilleux territoires inconnus à explorer. D’abord Zombie Zombie et la remise en orbite du krautrock et des frissons de Carpenter, et puis son disque avec Richard Pinhas, sa révérence envers le free-jazz et le free-rock français des 70’s, sa passion pour la science fiction, la musique contemporaine, l’improvisation, sa collaboration gravée sur disque avec la plasticienne Felicie D’Estienne, son saxophone avec Holden en live, et je ne parle pas de ses anciens groupes, ni de tous ceux avec qui il a joué. Des passerelles entre les genres, entre les gens. Et malgré toutes ces choses, le temps d’enregistrer ce nouvel album solo, qu’on vient de recevoir et qui risque d’être un de nos disques de chevet de 2015. La Visite, c’est son nom, commence en terrain connu : on « voit » Etienne debout au milieu de ses nombreux synthés analogiques et de sa fidèle TR 808 (une boîte à rythme dont il a réussi à s’approprier le son pourtant ultra référencé), programmant en direct des séquences et des arpegios, cette façon de jouer et de composer bien à lui, en direct, en impro quasi, on imagine. La magie opère immédiatement, mais le son n’est plus celui de Night Music, son premier album magnifiquement mixé comme de la techno par Carl Craig. Les deux premiers titres, Metallik Cage et La Visite dressent un décor nouveau. Un décor pop, voire jazz et... chanté ! La fascination d’Etienne pour les grandes heures space et free des années 70 prend ici une forme d’hommage assumé, humble et bienveillant, directement connecté à l’Actuel de Jean-François Bizot, quand la musique alors vrillait autant les corps que les cerveaux. Comme une histoire intime de sensations lointaines. Etienne est né en 1970 et sa musique déroule un fil d’éther jusqu’à aujourd’hui, un voyage. Un voyage et un partage, les deux choses indissociables à sa musique qui raconte toujours son histoire dans l’histoire, et nous emmène bien loin dans l’espace et le temps, même si nos pieds continuent de danser sur la terre ferme d’un club qu’on ne voit pas derrière nos paupières fermées.   (FL)

NINOS DU BRASIL (Italie)

On a tendance à dire que voler la musique sur internet c’est mal, sauf que s’il n’y avait pas eu un certain site pirate qui avait posté illégalement le dernier album de Ninos Du Brasil, je les aurais découvert (trop tard) comme tout le monde en épluchant la prog des Transmusicales de Rennes, et vu qu’ils vont tout défoncer là-bas, sûr qu’il vont revenir faire des grosses dates en 2015 et qu’on aurait eu un mal de chien à les avoir au Temps Machine. Donc voilà, je suis content (et fier de mon coup pour être honnête) de les avoir contacté en mai dernier pour cette date de novembre. Ceci dit, j’ai été conforté dans le truc quand, à chaque fois que je mettais des morceaux de Ninos Du Brasil dans le club du TM avant que les concerts commencent, des gens venaient me demander ce que c’était, un large sourire au milieu de la figure. Il faut dire que les morceaux de Ninos du Brasil sont très euphorisants, et assez simples à expliquer, une fois n’est pas coutume : deux italiens un peu foufous qui jouent des toms et de toute sorte de percussions en mode samba / batucada sur de la techno aussi minimale qui puissante. On pourrait le dire mieux c’est sûr, mais l’effet est immédiat. Enorme. Et complètement inédit dans le genre – bien sûr les plus vieux d’entre vous penseront tout de suite au 20hz de Capricorn qui, en 1993, retournait toutes les rave du monde avec leur percussion de carnaval de Rio. Ils auront raison. C’est un peu ça. Mais en plus dingue. Peut-être parce qu’à l’époque des rave des années 90, Nico et Nicolo (les deux Ninos du Brasil) jouaient dans With Love, groupe punk hardcore signé sur le label de Omar Rodriguez (Mars Volta / At The Drive In). Un passé punk donc. Cela dit, Nico Vascellari est aujourd’hui un artiste contemporain ultra réputé et a monté Codalunga, un club dédié à l’audio/vidéo expérimentale (et à la programmation démente) dans son studio à Turin, et un label, Von Archives, sur lequel on trouve des disques en série limitée de Ghedalia Tazartes, Prurient, Z’EV, Burial Hex, John Duncan... autant d’artistes avec lesquels collabore Nico Vascellari, donc bien loin du dancefloor infernal des Ninos Du Brasil, dont le prochain disque sortira chez DFA (LCD Soundsystem). Autant dire que tout cela représente parfaitement l’idée que je me fais du festival Super Flux : une liaison directe entre musique expérimentale et grosse fiesta. Franchement, je suis hyper content, ça va être génial.   (FL)

Non Place / CAN / Flanger / Drome / Non Place Urban Field / Nu Dub Players JAKI LIEBEZEIT & BURNT FRIEDMAN
Zombie Zombie / Versatile / TR 808 / Synthés Analogiques / Sax / Richard Pinhas / La Visite ETIENNE JAUMET
DFA / Techno + Batucada + Samba + Noise / Live / Codalunga / Von Archives NINOS DU BRASIL