ANIKA + BAJRAM BILI

  • punk dub / witch pop
  • Le Club
  • Production : TP

ANIKA (U.K.)

Soyons clairs : Anika est dans notre top 5 de l'année. Pourtant, sur le papier, il y a de quoi être dubitatif, sachant que son album ne comporte pratiquement que des reprises de hits 60's (Bob Dylan, Yoko Ono, Kinks) et qu'on est dans le même état que lorsqu'on a entendu pour la première fois le Velvet & Nico, ESG ou Delta 5. Rien de neuf pensez-vous ? Et bien détrompez-vous ! Cet album est une pure merveille à mettre (une fois de plus) au crédit de Geof Barrow de Portishead et <Beak, qui a trouvé en Anika, journaliste allemande croisée au (bon) hasard d'une tournée, une muse sur mesure pour ses idées d'arrangeur superbement marquées par les sons aussi beaux que tordus du NY du Velvet Underground et de la no-wave, de l’Angleterre post-punk (TG, PIL) et de l’Allemagne choucroute (Neu, Faust, Can). On ne sera donc pas les premiers à parler d'une nouvelle Nico punk-dub (car c'est vrai, Anika ressuscite beaucoup de fantômes); en revanche on va lourdement insister sur le fait que malgré toutes ces influences non dissimulées, l'album d'Anika est une telle réussite qu'on a l'impression de découvrir quelque chose de complètement nouveau - toute la force de l’impressionnant Geof Barrow et de la superbe Anika est là : ils ne font pas du neuf avec du vieux, mais rendent inconnu un environnement familier, peint avec la même soif de liberté que leurs illustres ancêtres, avec cette même pulsion créative sans compromis qui a (heureusement) survécue aux morbides encyclopédies du rock.
Anika, c'est la rencontre magique de deux personnalités bouillantes, un univers unique et sans calcul, un vortex temporel qui fusionne le passé et offre magnifiquement l'idée d'un futur ouvert. Anika, c'est du rock qui a grand ouvert les portes oubliées d'hier et, surtout, celles de demain. Tout le contraire de la hype qui ne cesse de « remettre au goût du jour ». Anika est unique, et c'est le goût du jour qui se remet à elle. (FL)

BAJRAM BILI (Tours, FR.)

Depuis quelques temps, il semblerait que les groupes de Tours s'exportent et gagnent quotidiennement de nouveaux coeurs au six coins de la France (voire plus). La faute à quoi ? Au talent bien sûr, et à cette entreprise de démolissage en règle des clichés du rock surtout. Si on pense à Pneu, Boogers, Piano Chat, Nine Eleven, Mesparrow, The Foxheads, Zoën et quelques autres, on a bien affaire à des gens qui ont décidé de faire « à leur façon », et, surtout, ce qu'ils veulent. Non seulement cela fait mentir les pronostics de faiseurs de tendance, mais ça nous conforte dans l'idée que les gens singuliers seront toujours plus intéressants que les ambitieux qui veulent à tout prix plaire au plus grand nombre : Bajram Bili est de Tours et rentre complètement dans cette nouvelle scène locale qu'on admire et qu'on a vraiment envie de soutenir, à notre niveau. Grand démolisseur des clichés du rock donc, Bajram Bili est dans le civil Adrien Gachet (et son groupe), un drogué de studio qui a enfin décidé de monter sur scène, ce qui est une très bonne idée ! Après un très impressionnant EP sorti l'année dernière qui se promenait du côté des belles prairies de Notwist et Grandaddy, Bajram Bili revient avec ce qu'il appelle un EP (tellement gros qu'on dirait un album), chez Another Record, et semble avoir trouvé dans son studio les combinaisons de boutons parfaites : ses influences revendiquées (James Holden, Boards Of Canada, Sonic Boom, My Bloody Valentine ou encore Salem) ne sont plus qu'un voile brumeux qui enrobe une superbe écriture de chansons pop-shoegaze d'un boulot sur le son absolument sidérant. Les guitares et les synthés se fondent de manière incroyable et nous enveloppent littéralement, quand les batteries répondent aux boites à rythmes de manière intransigeante avec une science du mix digne des plus grands. Un amour du son qui, à l'image des grands songwritters-producteurs que peuvent être Pete Kember et James Murphy, ne noie jamais les morceaux dans des effets de style; le propos est multiple, on « baigne » dans le son autant que dans les mélodies, la grande classe. Les fans de James Holden ou Spectrum auront une idée de ce que la musique de Bajram Bili procure. Pour les autres, il faut absolument écouter ce nouveau disque (du moins sur bandcamp) : « You're A Ghost In A Tipi » n'est que le deuxième EP de Bajram Bili, et pourtant il touche des sommets de maîtrise assez invraisemblable qui, hors des sentiers battus, arrive à toucher dans le mille sans jamais céder à la facilité, caressant la pop du côté psychédélique et expérimental de la main, tout en restant complètement abordable. A se demander si notre bonne vieille Touraine attendait son heure pour sortir d'un coup son armée de musiciens géniaux à la conquête du monde. Plus que jamais, on vous invite à venir soutenir les artistes locaux sur scène, mais on ajoutera que cette invitation ne vaut pas parce que ces groupes sont de Tours, non. Cette invitation vaut parce que ces groupes sont MORTELS ! Quelle chance nous avons, c'est inestimable. (FL)

 

dub / punk / Geof Barrow / love / pop / kraut / unique ANIKA
Electro / Psyché / Krautrock BAJRAM BILI