Motorama + Centenaire
- Cold Wave / Post Punk / Psyché
- Le Club
- Production : TP
MOTORAMA (Russie)
Quand le magazine Magic disait du premier album des Russes de Motorama, « on veut bien garder le secret encore un moment, mais on craint qu’il ne soit éventé d’ici peu », on avoue, on était passé complètement à côté. Pas à côté de Calendar non, leur album de 2012 – excellent au passage -, mais on avait cru, à tort, que le groupe ne passerait pas l’hiver. C’était sans compter sur la résistance au froid de ces natifs de Rostov-sur-le-Don... et là vous attendez que je vous fasse un bon mot sur la cold wave glaciale qu’on peut entendre sur leur nouvel album, Poverty. Et bien non. Déjà parce que selon moi cet album n’est pas du tout cold wave, et que rien, à son écoute, n’indique qu’ils sont russes. Fans des années 80 à Glasgow et à Manchester par contre, ça c’est indéniable ! Et pour une fois qu’on peut citer Orange Juice, The Field Mice ou Joy Division sans faire nos vieux ronchons, on ne se prive pas : oui, il y a du Sarah, du Postcard et du Factory chez Motorama, et pourquoi pas après tout ? Quand c’est fait de cette manière là, aussi rafraichissante et aussi « punk », on baisse la garde : Motorama est un groupe de 2015 qui fait de la musique de 2015 et qui n’a pas à se justifier, non mais. D’ailleurs c’est drôle, les Inrocks et Mojo trouvent que ça ressemble à The National, et on a vu des références à New Order ou The Chameleons à leur sujet ailleurs. Bref, la preuve encore une fois que chacun entend bien ce qu’il veut dans un disque. Moi perso, je trouve qu’il y a surtout beaucoup de tubes qui ne me sortent pas de la tête. Et que j’adore la voix du chanteur. Et les lignes de basse aussi. Et leurs allures de petits punks tout droit sortis d’un documentaire sur, heu... les Pastels en 87 par exemple ! Libé parle de « pop éternelle » à leur sujet : ils m’enlèvent les mots de bouche.
Pour les fans de The Cure, Joy Division, Orange Juice, The National, New Order etc. (FL)
CENTENAIRE (Paris, FR.)
Quand Centenaire, le trio acoustique formé en 2006 par My Jazzy Child, Orval Carlos Sibelius et Aurélien Potier fut perverti par l’arrivée simultanée de Domotic et de l’électricité, avec comme point d’orgue le fulgurant album « The Enemy » en 2009, il était peut-être encore un peu trop tôt pour que la sauce prenne – un an avant que Tame Impala fasse rentrer à nouveau le rock psyché dans les chaumières. Avec ce nouvel album, Centenaire est aujourd’hui « enfin » dans l’air du temps, réintégrant comme il se doit cette nouvelle scène psyché française (d’Aquaserge à Electric Electric pour faire super rapide) qui connait sa pop savante, son krautrock et son garage sur le bout des ongles. Quand on a écouté pour la première fois « Somewhere Safe », sur les enceintes du club du Temps Machine, Sergio (qui était en train de régler des lumières) m’a dit « hey ! C’est vachement bien ça ! », quand, au même moment, Nico insistait sur un point non négligeable, me lançant un sincère « ah oui putain, ça bute carrément ». Comme quoi, c’est simple de parler de musique. Je pourrai vous donner le pedigree de Sergio, quinquagénaire gaillard qui a vu sur scène tout ce que le rock psyché-kraut offrait de meilleur à la fin des années 70, ainsi que celui de Nico, crate-digger maladif de tout ce que l’outsider music mondiale peut offrir de meilleur. Pour l’un, Centenaire est une évidence, une musique pour planer, aussi technique que libre, inventive et droguée qui mériterait de s’écouter à fond sur une scène énorme avec un public en extase. Pour l’autre, c’est déjà un disque qu’il aimerait montrer à ses copains virtuels sur Discogs dans 20 ans, en espérant très fort que ça ne marchera jamais et que ça deviendra un album mythique qui se passera à prix d’or sous le manteau dans les années, heu, 2050 par exemple.
Mais sinon, et ce paragraphe sera en gras pour vous sauter aux yeux, j’aurais très bien pu parler de la fougue électrique de Sonic Youth, des techniques de studio de CAN, du lyrisme explosif de Heldon ou Lard Free, de la sophistication d’un Mark Hollis (ou de Soft Machine), de la morgue perdue des Doors, de l’insouciant terrorisme de Faust, du easy listening hardcore de Tortoise et bien entendu des concertos pour piano de Ravel que je suis en train d’écouter ou, plus simplement, quand le « compliqué » provoque l’excitation qui instantanément le transforme en évidence. Du rock en fait, sinon. (FL)